lundi 31 mai 2010

Dennis Hopper, un Biker au paradis

Le Cinéma vient de perdre un de ses acteurs et réalisateurs les plus rebelles de sa génération. Il me vient encore cette image de Dennis Hopper dans Géant, 1956, tout jeune acteur et si propre sur lui qu'on ne peut imaginer que 30 ans plus tard, il interprétera le gangster déjanté de Blue Velvet...

Entre les deux, la vie d'un homme qui a tout essayé, tout fumé et tout bu. Sa vie a basculé en 1969 avec Easy Rider qu'il réalise, et qui le consacre mondialement. Un biker est tombé le 29 mai 2010
Laurence Peloille, envoyée spéciale de l'Ile du Crâne, lui rend hommage, revient sur son oeuvre et sa carrière, et nous parle du "Road-Movie". Good bye, Pirate du Cinéma...J.R.



LE HEROS MYTHIQUE DE "EASY RIDER" EST MORT  A 74 ANS

La carrière de réalisateur de Dennis Hopper lui vaut d'être l'un des chefs de file de la contre-culture au cinéma. Il doit cette réussite à 'Easy Rider', road-movie avec Jack Nicholson et Peter Fonda, dont les allusions à la culture hippie présentent une nouvelle génération américaine, au même titre que, de façon détournée, le 'Bonnie and Clyde' d'Arthur Penn. Formé en Californie puis à l'Actors' Studio, Hopper se destine vers la comédie. Son aspect rebelle lui permet de s'associer à James Dean, autre emblème de l'époque, dans 'La Fureur de vivre'. Avant de réaliser son premier film, l'acteur témoigne d'une attitude difficile sur les plateaux, ce qui lui vaut d'apparaître dans des séries B pendant un temps. Il met à profit cette carrière en dents de scie pour se livrer à la photographie et à la peinture. Associé aucourant du Pop Art, ses dons pour l'art plastique prennent la forme de clichés de rue et deportraits d'artistes de son époque, tels Warhol ou Rauschenberg, dont il s'inspire dans son oeuvre picturale.
Il expose auprès de leur oeuvre à la Cinémathèque en 2008.
Sa carrière d'acteur prend un nouveau départ à la fin des années 1970, puisqu'il apparaît chez Wim Wenders dans 'L' Ami américain', puis dans 'Apocalypse Now', dans lequel il incarne un photographe.

Des rôles de plus en plus sombres lui valent d'intéresser les nouvelles générations, que ce soit dans le cinéma d'auteur avec 'Blue Velvet' de David Lynch ou le cinéma d'action avec 'Speed'.

Sa carrière de réalisateur n'atteint pas le culte voué à 'Easy Rider', même s'il réussit quelques coups d'éclat comme 'Colors' ou 'The Hot Spot';

Véritable touche-à-tout, titulaire d'une existence tumultueuse marquée par la drogue et la contestation, Dennis Hopper incarnait le mythe de l'artiste et de la modernité américaine.

'Easy Rider' (1968) de Dennis Hopper, est l'histoire du périple de trois hippies - interprétés par Dennis Hopper, Peter Fonda et Jack Nicholson - au milieu d'une Amérique archaïque, conservatrice et raciste. Montés sur leurs choppers débridés, ils roulent d'ouest en est (vers une "conquête de l'Est" ?), à la recherche d'un endroit où s'affirmer et d'une société plus évoluée où chacun pourrait "se nourrir, se vêtir, se loger et se déplacer également et sans efforts". Au lieu de cela, ils ne rencontrent sur leur chemin que la stupidité, la violence et l'incompréhension. Comme le dit le personnage interprété par Jack Nicholson : "Ce que tu représentes, c'est la liberté. Ca fait peur. C'est difficile d'être libre quand on est un produit acheté et vendu au marché." Porteurs de vie et d'espoir, ils mourront tous les trois, le road-movie ne laissant que peu de chance de survie aux personnages positifs.

De tous les genres cinématographiques, le road-movie est sans doute le plus délicat à définir. A l'image de ses récits, de 'Easy Rider' à 'Into the Wild', de ses étendues désertiques aux lignes de fuite infinies, de ses vagabonds, solitaires et mystérieux, le road-movie ne cesse de traverser le temps et les époques.


"Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage", écrivait le poète Joachim Du Bellay, se remémorant l'incroyable errance méditerranéenne du héros victorieux chantée par Homère dans son 'Odyssée'. Une intrigue basée sur le voyage, un récit découpé en étapes, des aventures et des rencontres imprévues. Ainsi la littérature antique portait-elle déjà en elle les prémisses de ce qui deviendrait bien plus tard le road-movie. Genre essentiellement américain, intimement lié aux souvenirs des pionniers, le "film de route" est d'abord un cinéma du voyage. Un voyage qui, de la conquête de l'Ouest aux grandes vagues d'immigration en provenance de l'Europe, constitue une des composantes fondamentales de la culture outre-Atlantique.


"La route, c'est la vie"

Selon le très libertaire Jack Kerouac, "La route est pure. La route rattache l'homme des villes aux grandes forces de la nature (…). Sur la route, dans les restaurants qui la bordent, les postes à essence, les faubourgs des villes qu'elle traverse, les amitiés et les amours de passages se nouent. La route, c'est la vie." Avec ses rencontres à la croisée des chemins, ses séparations et ses voies sans issue. On part pour rejoindre une famille, un(e) ami(e), un idéal. On quitte une ville, une personne, un mal-être. Fuite ou quête initiatique, le road-movie fait de la route un lieu d'expérimentation, de liberté et de révolte face à l'ordre établi. Une façon également d'opérer un retour sur soi, de se questionner sur les fondements de notre société moderne.



Le road-movie, manifeste du Nouvel Hollywood


C'est dans le contexte contestataire de la fin des années 1960, aux Etats-Unis, que le road-movie devient un genre cinématographique à part entière. Dans un pays aux abois, tout juste sorti de sa chasse aux sorcières, embourbé dans la guerre du Vietnam et les revendications raciales, un certain nombre de jeunes cinéastes (ceux qui incarnent le Nouvel Hollywood ), trouvent dans le récit de voyage une façon de représenter les travers de l'Amérique contemporaine. Fruit de la contre-culture et de la beat generation , le road-movie trouve une parfaite résonance à son propos dans cette révolte qui appelle à la recherche d'autres espaces, d'autres expériences, où s'effacerait l'image d'une Amérique repliée sur elle-même. Plus qu'une simple forme cinématographique, le road-movie dépeint cet esprit de liberté et ce désir de changement chez une jeunesse en mal de vivre.

En 1940 déjà, 'Les Raisins de la colère' de John Ford, adapté du roman de John Steinbeck, s'évertuait à démythifier l'idée de rêve américain en suivant le parcours d'une famille de paysans que la Dépression avait poussé à fuir vers une Californie largement idéalisée.

Road-movie avant l'heure, le film de Ford en avait néanmoins capté l'essence : une quête initiatique structurée en étapes et à l'issue le plus souvent malheureuse. Mais près de trente ans plus tard, deux films donneront véritablement corps à ce genre cinématographique. 'Bonnie and Clyde' (1967) d'Arthur Penn, une cavale tragique d'un couple de truands dans les années 1930, et, plus encore, ce 'Easy Rider' (1968) de Dennis Hopper...

Ainsi aux destins excessivement positifs proposés par le cinéma hollywoodien traditionnel, les Francis Ford Coppola, Martin Scorsese et autres Steven Spielberg préfèrent les existences autrement plus chaotiques de ces marginaux nés sous une mauvaise étoile, errant sur des chemins d'exil et de liberté, vers des espaces sans limites. Le voyage apparaît alors comme le meilleur moyen de quitter la société et ses règles...  


BONNE ROUTE VERS LES CIEUX, MONSIEUR HOPPER !


Laurence Peloille.


samedi 29 mai 2010

Uncle Boonmee, le Fantôme du Pirate


Le plancher du pont craqua une fois de plus. Je devais avoir de la visite, et je préparais déjà l'échiquier et la bouteille de gnôle, mon esprit visiteur avait ses habitudes...

Uncle Boonmee, un vieux thaïlandais, avait choisi mon rafiot pour hanter une dernière fois les siens. Eut-il mal visé pour réincarner son esprit en ces lieux, c'était au cours d'une partie de table tournante de Tim qui avait mal tourné que le vieux nous apparut...Nous nous retrouvions avec cet esprit perdu, et au bout de quelques conversations improvisées, nous avions pris l'habitude de jouer aux échecs en partageant quelques verres. J'avais aussi une petite idée derrière la tête au sujet d'une amie disparue...

J'avais appris à ménager Boonmee en le questionnant. Quelques phrases bien senties l'avait encouragé dans ses bavardages et j'en profitais pour en apprendre sur la réincarnation et les vies antérieures. Les récits de ses rencontres avec les fantômes de sa femme et son fils me laissaient des yeux grands écarquillés et même Tim, curieuse au début de ces réunions, avaient coutume de filer au village à son apparition, voir si une commande de la manufacture Laines et Pelotes n'était pas arrivée...

Je me régalais de ces confidences sur ce grand singe sombre aux yeux rouges sensé être son fils, et regardais autrement le moindre des ouistitis que je croisais dans la jungle au cours de cueillette de fruits rouges ou chasse aux morilles...A chaque rencontre, j'osais poser des questions de plus en plus précises jusqu'à demander carrément des nouvelles de ma chère et tendre Rita, disparue prématurément. Le vieil homme me regarda l'oeil malicieux et me lanca :
- Mais votre Rita ne vous a jamais quitté, elle est là sur ce bateau, à vos côtés...pour l'éternité ! 







J'imaginais ma Rita assister à chaque instants de ma vie, mes galipettes avec Tim, mes trocs aux parts de tartes aux fraises avec Bosco, mes rendez-vous avec Emma ma prof d'anglais, tous ces butinages qui pouvaient lui laisser penser que je pensais peu à elle en fait.


Une sorte de petite voix m'interpella, sous l'oeil complice de Boonmee au sourire suave. C'était Rita :
  • Voyons Jack, tu penses bien que ce n'est pas la fidélité qui a caractérisé nos relations. Nous étions le préféré l'un de l'autre, c'était suffisant...
  • Tu as raison Rita , nos sentiments et notre amour étaient essentiels...Dis-je avec aplomb.

  • Oui, car moi aussi j'ai eu de nombreuses relations qui pouvaient laisser penser que je ne pensais pas à toi, mon cher Jack...
En pensée, je transformais momentanément ma chère Rita en singe rouge avec des yeux en forme d'étoiles vertes. Mais cette petite rancœur passa bien vite et je revenais peu à peu sur le pont de ma goélette où l'Oncle Boonmee répondit à une ultime question :
  • Rita se transformer en quoi ? Mais dans la forme qui la représente le mieux dans votre cœur, selon vos peurs, vos désirs profonds, au croisement de votre âme et votre inconscient...

Le temps a passé et je ne revis plus Uncle Boonmee, du moins son fantôme. Ma goélette prit d'autres habitudes et je partageais parfois ma gnôle secrète avec quelques voyageurs ou passants de fortune. Et Le soir venu étalé sur ma couche en pensant à Rita, je penchais la tête vers ce grand bocal aux algues artificielles posé sur la commode, où se baladait un beau poisson rouge...


J.Rackham

* * *

Lung Boonmee raluek chat (thaï : ลุงบุญมีระลึกชาติ, titre international : Uncle Boonme Who Can Recall His Past Lives) est un film thaïlandais du réalisateur thaïlandais Apichatpong Weerasethakul, sorti en 2010. Il a remporté la Palme d'or lors du Festival de Cannes 2010.

De notre envoyée spéciale de l'île du Crâne, Laurence P. :
« Pour conclure cette 63e édition du Festival de Cannes, c'est l'actrice Charlotte Gainsbourg qui est venue remettre la précieuse Palme d'or. A l'austérité froide du 'Ruban blanc' succède le mystère tropical de 'Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures' du cinéaste thaïlandais Apichatpong Weerasethakul. L'histoire d'un vieil homme malade, qui décide de rassembler sa famille pour vivre ses derniers instants. Là, étrangement, les fantômes de sa femme et de son fils disparus lui apparaissent et le prennent sous leurs ailes. Dans la continuité de 'Tropical Malady', Apichatpong Weerasethakul signe un film stupéfiant, au genre indéfinissable, entre fantastique, poésie et spiritualité. "Après la jungle, c'est surréaliste de se retrouver ici", a déclaré le cinéaste, tout de blanc vêtu. "C'est un moment important pour le cinéma thaïlandais." Heureux de pouvoir "partager le monde qui est le [sien]", Apichatpong Weerasethakul a remercié ses compatriotes... sans oublier les esprits et les fantômes.
  »

Distribution :
Thanapat Saisaymar : l'oncle Boonmee
Jenjira Pongpas : Jen
Sakda Kaewbuadee : Tong
Natthakarn Aphaiwonk : Huav, la femme de Boonmee
Geerasak Kulhong : Boonsong, le fils de Boonmee
Kanokporn Thongaram : Roong, l'ami de Jen
Samud Kugasang : Jaai
Wallapa Mongkolprasert : la princesse
Sumit Suebsee : le soldat
Vien Pimdee : le fermier


« Le cinéma d’Apichatpong Weerasethakul est l’un des plus inspirés et excitants qui soient. Le metteur en scène crée un monde où la réalité est filmée comme un rêve, où la nature et le surnaturel reprennent leurs droits. On y croise ainsi une ribambelle de fantômes, aussi bien sous apparence humaine qu’animale. Le tigre de ‘Tropical Malady’ et le singe-fantôme de ‘Oncle Boonmee…’ sont deux figures issues des influences hindouistes et animistes thaïlandaises. Et chez Weerasethakul, la magie est étroitement liée à la science. Une façon de rappeler que ce que l’obscurantisme appelait dans le passé “sorcellerie” avait bien souvent une explication rationnelle. Avec naïveté, le cinéaste fait le lien entre tradition et modernité. Il confronte volontiers les vieux remèdes à la médecine moderne (la maladie de peau de ‘Blissfully Yours’), la religion à la technologie (le moine bouddhiste mélomane de ‘Syndromes and a Century’), comme pour rappeler que rien n’est vraiment ce qu’il paraît. Les animaux ne sont-ils que des animaux, les hommes, que des hommes ? L’oncle Boonmee répond à la question en convoquant ses proches disparus et en revivant ses vies passées. A l’heure de mourir, l’homme verrait-il resurgir en lui ses plus vieux souvenirs, de cette vie ou d’une autre ? Un tel film, si proche du cinéma expérimental, ne permet pas de réponse toute faite. Aux spectateurs d’‘Oncle Boonmee…’ de comprendre comme ils le souhaitent la parabole de la grotte, de voir dans le poisson-chat autre chose qu’un animal, dans la princesse autre chose qu’une femme. Aux spectateurs de trancher, s’il le faut, sur le lien étroit entre la maladie et l’esprit (une autre problématique scientifique), d’adhérer à la notion de karma. Apichatpong Weerasethakul signe une oeuvre ouverte, faite surtout de sensations et d’impressions, dans laquelle son propre esprit se mélange avec celui du moribond oncle Boonmee. Comme si, au moment de mourir, les hommes pouvaient enfin communiquer et apprendre. » Laurence P.


lundi 24 mai 2010

Tim est de retour


Tim est revenue un beau jour sur le Poséïdon. A pas feutrés, comme ceux d'une chatte qui avait changé de maison puis avait changé d'avis. Elle avait repris ses habitudes comme si de rien n'était, et j'avais fait comme si. J'étais même content de son retour, la solitude ne me valait rien de bon surtout quand certaines avaient essayé de me briser le cœur...

Nos habitudes et notre complicité étaient uniques et Tim était la seule qui savait gérer facilement les questions de soldes des matelots ou de Bosco, n'étant pas farouche pour donner de sa personne pour la bonne marche du bateau. Devant l'évidence de ce constat, j'étais content de ces retrouvailles et j'avais l'impression que c'était réciproque.

Je ne lui avais posé d'ailleurs aucune question concernant son escapade avec le coursier de l'épicerie, imaginant que son retour correspondait avec la fin de son histoire. Son sourire en coin me laissait même penser qu'elle me raconterait elle-même un jour la fin de l'histoire, Tim était orgueilleuse et je lui laissais le temps d'imaginer une aventure plausible où elle aurait le fin mot.

Nous refaisions l'amour comme aux plus beaux jours. C'était même de vrais feux d'artifices nocturnes et diurnes, et j'avais même du mal à suivre entre les réunions d'affaires au Cabaret de Katia, et les cours d'anglais d'Emma qui avaient repris de plus belle. Si les ampoules électriques avaient existé, j'aurais sans doute sorti un adage sur leur usure ou la simultanéité de leur changement...

N'empêche que nous étions bien, là. Tim m'avait rejoint sur le grand hamac familial que j'installais parfois sur le pont et nous nous détendions au gré du tangage de la houle ou du vent. Je fermais les yeux et faisais semblant de dormir. Je songeais à ces amoureuses de passage qui m'avaient aimé passionnément puis quitté...J'imaginais aussi Tim partageant une passion sans limite avec ce coursier. Un peu gringalet quand même, à mon avis. Elle avait du rester sur sa faim et c'est l'appel d'un vrai mâle qui l'avait fait revenir, la garce ! Je sentais sa paume qui caressait le dessus de ma main, ma chatte était rentrée à la maison, penaude et regrettant son Capitaine. Je ronronnais un peu pour la faire languir et je la voyais me regarder, sentant son désir et son admiration...

Je suis rentrée depuis quelques jours et déjà je surprends Jack à des accès de suffisance envers moi. C'est vrai qu'il fait bien l'amour mon pirate, mais il manque un peu de modestie, à mon avis ! Il ne sait pas que j'ai du rentrer car je n'avais plus un sou pour survivre et mon beau coursier aussi viril soit-il n'avait pas le sens des affaires, ce qui est un comble pour un spécialiste en épicerie ! J'ai du lui promettre de revenir et l'ai laissé en gages à quelques brutes qui m'ont avancé le prix de mes frais de voyage. Sans compter les innombrables gâteries que j'ai du pratiquer en avance pour qu'ils daignent me faire crédit...

Je me repose en attendant de repartir, je vais aller faire un sort au coffre secret dans le bureau de Jack, bijoux, pièces d'or et titres ne seront pas de trop pour racheter mon bellâtre, en espérant qu'ils ne lui auront pas trop donné le goût des hommes à ce benêt...

Je vais passer par les cuisines en repartant, Bosco aura bien pour moi quelques parts de tartes aux fraises pour la route, faire du troc avec lui m'aura toujours mis l'eau à la bouche...

mercredi 19 mai 2010

Un Tour de Magicien


J'avais rencontré par hasard, au détour d'un bistrot de Cancun, notre ami le Magicien...

Il avait fait plusieurs fois le tour du monde pour oublier quelques belles peu reconnaissantes. Malgré ses qualités évidentes, de charme, d'intelligence et d'amour sincère, notre ami avait le chic pour croiser le chemin de dames aux humeurs changeantes et à la mémoire défaillante. Son cœur brisé ne pouvait point bénéficier de ses talents magiques pour retrouver illico le rose pimpant de ses illusions. Je l'avais retrouvé ce soir-là au Carabian's Pirate, après une représentation extraordinaire où il coupait en deux Rosita sa partenaire du moment. Le moment était unique, surtout quand l'une des jambes du tronc inférieur semblait faire signe au public au souffle coupé !

Je regardais mon ami aux infortunes siroter un demi et lui demandais si quelques dons divins lui donnaient le pouvoir de vie et de mort pour faire des tours si convaincants :
  • Ah si seulement je pouvais changer le cours des choses, ma vie s'en trouverait changée, mais non. J'ai néanmoins quelques sortilèges qui me viennent de voyages hors de ce temps, c'est vrai, et que je partagerais bien avec celui qui me permettrait de conquérir celle qui a capturé mon cœur...

  • Ah ? Dis-je. Et où est donc cette douce élue ?

  • Juste derrière vous, Jack. Elle sert au comptoir, ne vous retournez pas elle risque de vous voir...

  • Justement...Préparez vos sortilèges, je reviens dans un instant.
Je me levais puis rejoignais la demoiselle...

Quelques instants plus tard, j'allais chercher mon compagnon et lui présentait ma nouvelle amie Ester. Je ne sais ce qui se passa mais il sembla que leurs yeux se parlèrent comme depuis toujours et je les laissais déjà qu'ils ne me voyaient plus. Je souriais de mon tour de passe-passe et attendais que mon ami s'acquitte de sa part du marché...Ce qui fut fait le lendemain. Je reçus un petit paquet long, avec un mot à l'intérieur : «  Dessine avec cet outil la personne de ton choix, qui prendra vie. Je pars me marier avec Ester qui ne veut plus attendre. Merci éternel Amigo Jack... »

Je souriais dans ma barbe, et sortais l'objet. J'enlevais une sorte de capuchon et prenais un bloc de papier, prêt à utiliser le sortilège de mon ami...Je pensais à mes amies de toujours ou quelques personnes de mon cœur. « ...qui prendra vie. » disait la lettre. Je pensais à Katia immédiatement mais non, je devais la voir demain...

Dana ? Non, elle m'avait refroidi tant et tant que c'était bien la dernière dont j'attendrais de la chaleur...Rita ? J'avais encore des frissons de notre dernière rencontre, il y aurait un moment pour des retrouvailles ultérieures...Cameron ? Trop tôt...

Ma tête tournait tant je pensais à toutes ces belles chacune pas comme les autres, et je posais mon stylo magique pour donner vie à...

Vous devinez bien qui ! Allons...Je m'appliquais à bien dessiner les contours de mon amie, et j'imaginais déjà la nuit d'amour que nous allions passer. Au fur et à mesure que mon stylo dessinait, la forme prenait du volume et semblait sortir du papier.

J'étais épaté par le sortilège de mon ami le Magicien et je pensais à sa lune de miel. D'ailleurs, j'avais mis tous les atouts de son côté. Ester m'avait cru tout de suite, je sais être convaincant il faut dire. «  Vous voyez le Magicien là-bas ? C'est mon meilleur ami et je vais vous confier un secret : C'est le fils du Grand Calife de Bagdad, le Sultan Harroun El-Poussah, fortune estimée la plus considérable de tout l'Orient. Croyez-moi, la petite qui saura conquérir son cœur aura gagné le gros lot... » Et je glissais aussi quelques mots sur l'extrême fécondité du Harem du papa mais la petite était déjà sous le charme du Magicien et faisait déjà des yeux ronds où se lisaient ses rêves...

jeudi 13 mai 2010

Celui qu'on aime


La rue Grande abonde de monde et le marché aux Amours recèle des étalages garnis de spécimens. Cette brune au sourire de rêve tâte la joue de ce damoiseau. Il n'est pas grand et beau mais la flamme de son œil attire la demoiselle. Elle emporte le morceau, il lui tient le bras comme un dandy, elle est heureuse...

Ses baisers sont goûteux et tendres, ses lèvres prennent les siennes pendant qu'il touche ses seins qui frétillent de bonheur. Son odeur est bonne et les plis de sa peau cachent de la bonne humeur, du désir et du tact . Ses doigts rendent poliment les frissons de la belle, leurs duvets se mélangent et les regards se donnent avec profondeur. Les draps se tendent quand leurs peaux se frottent, ils se dégustent des yeux, se frôlent avec lenteur, celle des repas qu'on fait après des jours de jeûne. Ils ont faim l'un de l'autre...

Elle lui donne ses trésors, il effeuille ses secrets...Leurs corps respirent de l'amour qu'ils se reprennent l'un l'autre, leurs pigment hérissés exaltent leur passion. Ils s'emboîtent comme des pans de murs, ils se boivent, se mangent, se lèchent, se triturent, se tordent de plaisir d'être ensemble...

Elle a posé sa tête sur l'édredon, son sourire en remerciement, ses cuisses ouvertes se souviennent et son corps entier se détend. Les murs blancs apaisés mémorisent ces instants et bercée par le silence, elle s'endort...

Il s'est levé depuis longtemps, sans bruit pour ne pas rompre leur communion. Il regarde la ville, perché sur le balcon. Son œil regarde au loin, il pense aux meilleures choses profitant du calme de la nuit, il pense à elle...

Elle se retourne en souriant, il est toujours là. Sur la chaise, repose son ceinturon, son sabre, son pantalon...

Tombé par terre, Il ne manque que son tricorne...



 *   *   *
Jack Rackham. 

dimanche 9 mai 2010

Solveig et Loève, les Filles du Capitaine !

Loève se remet du rose à lèvres en remontant son menton comme une pimbèche. Sa bouche remue en huit en mimant un ruminant centenaire et son mouvement sec qui remet sa poitrine dans son corset n'ajoute que très peu à son charme naturel. Elle se lève vers la fenêtre en attrapant une ombrelle puis se penchant vers le ponton inférieur, hurle un seul prénom : « Solveig ! « 

Solveig lève la tête et de ses dents blanches lui sourit. Son amie est très belle et elle envie la robe qui la fusèle. Elle pivote pour donner de l'effet à ses frou-frous et tient de ses deux mains son chapeau en grimpant les escaliers. Ses bottines font résonner les marches et elle apparaît à l'étage pour étouffer son amie dans ses bras gantés. «  Loève » dit-elle en penchant sa tête contre son cou...

La goélette semble effervescente des va-et-vient de l'équipe de tournage du film « Les Deux filles du Capitaine ». Chacun se tient à son poste en attendant le signal de tournage et Jack Rackham, metteur en scène, vocifère du retard de ses actrices vedettes, Solveig et Loève. « Mais qu'est-ce qu'elle foutent ? » hurle-t-il, gesticulant et faisant valdinguer son tricorne par dessus la rambarde, sous l'oeil dubitatif de Tim...

Un peu plus haut, les deux filles se moquent bien de l'angoisse du Capitaine Jack, et se prélassent sur l'édredon qui recouvre le grand lit de la cabine qu'elles ont trouvé pour passer un moment intime avant le premier clap. Oubliant tout et complètement nues, elle roulent et boulent, cucutant et foufounant, amoureuses jouant et se chevauchant...

Leurs yeux se croisent et se mangent, leurs cils papillonnant tels des signaux de morse pour connivence de leurs ébats futurs. Leurs langues plongent au fond de leurs gorges comme des tentacules, et elles remontent vers leur propre gosier des embruns de l'autre en pitance goulue. Ces présents ne suffisent pas à leurs appétits et leurs doigts cherchent encore creux et bosses à parcourir et pénétrer, finissant vers des fentes secrètes entre des bas blancs...Leur pilosité de brunes se détache encore plus entre leurs cuisses charnues, qui se raidissent du glissement si profond. Leurs pieds pointent au ciel du lit en remerciements et à tour de rôle les amies s'offrent ces chemins de plaisir qui n'en finissent plus...

Elles sont enfin là, les deux Filles, sur le plateau. Leurs sourires et leur charme ont fait oublier leur petit retard. Tout le monde est aux petits soins avec elles. Même Jack semble amnésique et leur fait répéter quelques répliques. Solveig a remarqué un petit caméraman tout mimi qui n'arrête pas de la regarder, et Loève rêve d'un Oscar avec plein de remerciements et de larmes sous les caméras du monde entier...
Seul Bosco semble tirer la tête et fronce drôlement les sourcils. Pourtant Solveig et Loève n'ont pas oublié...La journée finie, elles l'attrapent chacune par un bras et l'emmènent vers un coin tranquille où elles pourront s'acquitter discrètement du supplément de tarte aux fraises de midi !

Un coin tranquille, comme une Antichambre...^^

* * *

Un clin d'oeil aux amies bloggeuses Solveig et Loève, les Filles de L'ANTICHAMBRE !
http://lantichambredesfilles.blogspot.com/ 

Besos !!
Jack Rackham.

Dessins : Sophie Griotto. 

jeudi 6 mai 2010

Jack et la Bouteille magique

L'histoire avait commencé simplement, un bout de verre dépassant du sable sur la plage de la crique des Deux-Rochers. Je tirais délicatement l'objet avec le bout des doigts et époussetais le sable collé. Une bouteille perdue depuis la nuit des temps atterrissant dans ma main, je n'y voyais pas là un hasard...

Heureusement, j'avais déjà lu quelques livres anciens et les 1001 nuits faisait partie de ceux-là. Et c'est l'œil malin que je commençais à frotter le verre poli imaginant quelques vœux cupides ou coquins. Une voix assez faible m'interrompit et je m'approchais d'un peu plus près pour regarder un personnage qui s'agitait dans la bouteille :
  • Héla ! Que faites-vous ? Vous comptez faire briller le verre pour le soleil me cuise comme une caille en broche, délivrez-moi si vous voulez vous rendre utile, j'étouffe ici ! Dit l'homme au crâne chauve et à la queue de cheval.

  • Je connais quelques récits de contes orientaux, répondis-je, je croyais bien faire.


  • Sortez-moi d'ici et je ferais de vous un homme riche, je vous le garantis.


  • Je connais l'histoire...Vous êtes un génie honnête au moins ?


  • Vous pouvez me faire confiance, foi de génie...

Sortant de ma bouteille en un filet, un nuage de fumée recouvrit entièrement la plage et laissa place à un géant torse nu, yeux bridés aux sourcils renfrognés, comme dans les contes. C'était bien lui...

Me prenant dans sa main, nous engageâmes la conversation et on se mit d'accord sur 3 vœux et un voyage gratuit en tapis volant dans la destination de mon choix. Je n'étais pas si naïf pour un pirate sanguinaire et j'assurais ainsi mes arrières. Mon premier vœux concerna quelques coffres d'or et le second un palais aux cuisines toujours ravitaillées. Il me restait un troisième vœu que je comptais bien réserver à l'Amour...

Bien sûr, j'avais connu quelques femmes marquantes et extraordinaires dans ma vie, et sauf peut-être nos séparations brutales dues à leurs départs soudains vers d'autres gredins, je n'avais rien à leur reprocher et bien du mal à les départager. Pourtant, l'une d'entre elles avait une place à part dans mon cœur, je l'avais toujours su et c'était à elle que je pensais aujourd'hui : Rita.

Je disais à mon génie mon vœu à voix haute, rejoindre ma Rita et je confirmais sur sa demande.
  • Tu es bien sûr de ton dernier vœu, pirate ? Questionna encore le génie.
Tu parles que c'est réfléchi, je sentais déjà la peau de ma Rita, touchait ses cheveux longs et noirs, j'étais déjà en elle et me demandait bien dans quelle région du monde j'allais atterrir, hémisphère nord ou sud, je n'en avais aucune idée...

Une sorte de nuage miniature noir m'enroba entièrement et je me sentis comme porté dans un autre monde. Comme un semblant d'atterrissage, il me semblait arriver à destination. L'endroit était sombre et je cherchais comme une porte ou une sortie. Une odeur de terre fraîche mêlée à une autre plus forte me mit la puce à l'oreille. Je tâtonnais à quatre pattes l'endroit quand je sentis des cheveux lisses que je reconnaissais...

Ma main remontant les mèches arriva jusqu'au visage de Rita. Avec effroi, je sentis ses orbites évidées et cela me remémora notre aventure au cimetière des Mers du Sud. Indépendamment du chagrin que je ressentais, j'essayais de garder mon calme et commença à gratter avec un gobelet perdu la terre qui se trouvait au dessus de mon tricorne...

* * *

Brrr...Mais ce n'est qu'une histoire. Et vous que feriez-vous si vous aviez 3 vœux à faire ? Ce n'est pas un tag mais tout comme. Venez me répondre ici...QUELS SONT LES 3 VOEUX QUE VOUS FERIEZ AU GENIE ?
Et des voeux pour vous faire plaisir ! Pas de « et pour mon fils, et pour ma mère... »
Allez, je vous attends !

Besos !
Jack Rackham.

* * *

Regardez donc « Le Voleur de Bagdad «  (The Thief of Bagdad) qui est un film britannique réalisé par Ludwig Berger, Michael Powell et Tim Whelan, sorti en 1940. Ont en outre participé à la réalisation du film sans être crédités au générique : Alexander Korda, Zoltan Korda et William Cameron Menzies.
Avec : Conrad Veidt : Jaffar, Sabu : Abu, June Duprez : la princesse, John Justin : Ahmad, Rex Ingram : Djinn.

lundi 3 mai 2010

L'Homme de Boue

L'homme semble assis là depuis la nuit des temps, figé dans une pose de berger qui attendrait son troupeau. Il est là agglutiné de terre coulée qui le recouvre entièrement. Sa main moulée tient encore son bâton de marche, et quelques mouettes sont venues encore hier picorer sur lui quelques moucherons téméraires et malchanceux.

L'homme est là depuis l'orage qui a frappé l'île du Crâne la semaine dernière. J'ouvre mon hublot plus grand chaque matin pour voir s'il a bougé. Pas d'un cil, pas d'un poil. D'un raclement de gorge je lui envoie un signe mais rien n'y fait, il restera un jour de plus ou le temps que son jeûne lui laissera la vie...

Derrière la rambarde du Poséidon, je cale mon menton pour me concentrer sur cet homme arrêté et je fixe mon œil longtemps sur lui, comme pour percer sa carapace de boue et ses mystères. Je passe à travers lui comme ferait un chat qui guette sa proie et je voyage en sa compagnie, découvrant ses pensées...

La bouteille à la mer tangue dans son cerveau. L'homme se souvient de Clara qui sourit à son regard. La mer est haute, les mouettes volent sur le dos pour les regarder s'embrasser, le bleu du ciel peint leurs envies candides et le vent soulève leurs pans de tissus comme pour les tenter d'aller plus loin encore et encore. La belle se donne à son amant et leurs émois font des copeaux comme des peaux de fruits qu'on finit par manger...

Elle doit partir pour régler quelques affaires, rompre à tout jamais de son mari. Il prépare le lit de son retour, leurs projets se nappent en carte aux trésors et leur bonheur n'attend plus que son retour. Un feu d'artifices de leur nouvelle vie les attend, quelques au-revoir furtifs le laisse sur le ponton, gardien de leur amour...

L'homme attend toujours le retour de sa belle. Il ne compte plus les jours tant les encoches ont griffé les lattes de son plancher...Le lit pleure l'absence et son cerveau repousse les raisons et les vérités qui l'assaillent. Il décide de l'attendre près du ponton où ils se sont quittés, Clara est son amour...

Un faux mouvement le projette dans les algues de boue qui bordent la plage. Il se relève péniblement et rampe sur le parapet de bois. Il s'arrête là, se tenant sur son bâton, elle ne va pas tarder c'est sûr, Clara va revenir...


* * *

Jack Rackham.

Sculpture photo : Osmane Sow.